" [Et] si nous savourions une tasse de thé? La lumière de l'après-midi éclaire les bambous, l'eau des fontaines gazouille avec délice, le soupir des pins chuchote dans le goudron de fonte. Rêvons d'évanescence et abandonnons-nous à la folle beauté des choses. "


Kakuzô OKAKURA, in Le Livre du thé, 2006 (1906).


Tie Guan Yin - B, Chine

28/08/2009
 
 
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Cette fois je vous fais part de mes premières dégustations d'un Tie Guan Yin chinois peu fermenté provenant d'Anxi. Une fois le Gong Fu Cha terminé, j'ai examiné les feuilles. A juger de leur épaisseur et d'un certain nombre de feuilles brisées, je pense qu'il s'agit d'un Tie Guan Yin de bonne qualité certes, mais qui ne franchit tout de même pas le seuil de l'excellence. Tout compte fait, disons que le rapport qualité/prix est plutôt correcte. Bien entendu, ceci tient grandement à la façon dont je l'ai préparé... Donc, si vous trouvez que j'ai fait fausse route, n'hésitez surtout pas à me reprendre!


Alors, pour ce qui est des paramètres : j'ai préparé ce Tie Guan Yin dans ma Xishi en infusant 10 g de thé dans 14cl d'eau filtrée (Brita).


Lors de ma première dégustation - GFC 1 - j'ai suivi les temps d'infusion préconisés par le marchand de thé: 15'' - 20'' - 30'' - 45'' - 60'' - ... et c'est l'amertume fulgurante des 3e, 4e et 5e infusions qui m'a encouragée à refaire une dégustation reposant sur d'autres temps d'infusion - GFC 2. A vrai dire, cette amertume a été tout d'abord un choc: une giffle, sans que j'ai eu le temps de me demander pourquoi j'étais punie... Le choc passé, elle m'a fait penser à un chouette article de Thomas dans lequel il fait ce que j'appellerais un éloge de l'amertume et là, elle a commencé à m'amuser. Il fallait juste être un peu stoïque et hop, en un clin d'oeil point d'amertume!


Voici mes notes de dégustation pour le GFC 1 et le GFC 2.




Gong Fu Cha - 1 -


Première infusion, 15'' : grande richesse arômatique, passage bien marqué d'un type de notes à un autre; début végétal (tige de fleurs des champs), puis des notes florales (pivoine, freesia) suivies par des notes fuitées (melon d'Espagne, pastèque, et une note fugace: nectarine), le tout bouclé par une note végétale à nouveau. Liqueur à la fois sucrée et légèrement amère (tige de fleurs).


Deuxième infusion, 20'' : passage toujours bien marqué d'une note à une autre; succession de notes florales / fruitées / végétales, puis le tout se mélange de façon harmonieuse avec une belle longueur en bouche. Les notes fruitées (kiwi jaune, melon) se détachent ensuite. La liqueur devient plus intense et plus épaisse lors de cette infusion.


Troisième infusion, 30'' : amertume fulgurante (concentré de tige de fleurs des champs, amande amère) qui disparaît très vite, donnant place à des notes florales et à une saveur légèrement sucrée qui persiste. Succession de notes florales et végétales (tige, peau de raisin). Cette dernière note est accompagnée d'une sensation bien particulière en bouche: comme quand on mange la peau d'un pruneau jaune ou celle d'un raisin pas encore mûr... les papilles se resserrent au contact de l'acidité, le dessous et le bout de la langue deviennent poudreux (impression d'aspérité). 


Quatrième infusion, 45'' : amertume fulgurante et passagère; mélange indistinct de notes florales et végétales, suivi d'une note fruitée bien marquée (kaki pas tout à fait mûr), eh rebelote: impression de langue poudreuse.


Cinquième infusion, 55'' : amertume fulgurante; les notes se mélangent et forment un tout indistinct. Le brouillon persiste; l'impression de langue poudreuse disparaît.


Sixième infusion, 1' 05'' : amertume cette fois légère et bien répartie, soutenant des notes florales et végétales harmonieusement liées mais plutôt courtes en bouche. Grande surprise à la fin: au fond de la tasse vide une note fruitée bien marquée (rhubarbe).


Septième infusion, 1' 30'' : amertume légère et bien répartie. Brouillon de notes qui plus est court en bouche.





Gong Fu Cha - 2 -


Mêmes paramètres. L'infusion est prête lorsque la goutte formée sur le bec de la théière se retire...


Premières trois infusions, 45'' - 40'' - 35'' : grande harmonie des notes florales, végétales, fruitées sur une saveur franchement sucrée.


Interruption assez longue.

 

Reprise des infusions trois heures et demi plus tard.


Résultat assez époustouflant...


Quatrième infusion, 25'' : liqueur soyeuse et sucrée; grande harmonie des trois notes dominantes (fleures fraîches: rose, jasmin, muguet) suivies d'une note fruitée très fraîche (melon d'Espagne) et une autre légèrement acide (kiwi jaune).


Cinquième infusion, ± 60'' : une pointe d'acidité et deux notes fruitées dominantes (grenade et nectarine).


Sixième infusion, ± 2' : épuisement des feuilles.



Désolée de l'imprécision de ces deux dernières infusions!... C'est la faute à Bach... et à Richter qui a interprété à merveille la Suite Anglaise n° 3 en sol mineur, le concerto pour piano et orchestre en ré mineur, le concerto pour deux pianos et orchestre en do majeur. 


Non... Bon d'accord! C'est juste que je là je me suis laissée emporter par la quatrième infusion et la musique n'a pas aidé...



Un petit mot (sérieux) pour conclure. J'ai trouvé les deux dégustations intéressantes bien que pour des raisons différentes. Le GFC 1 était fort contrasté grâce à l'amertume survenue à la 3e infusion, pas si mal que ça finalement. Le GFC 2 était très harmonieux malgré l'interruption de quelques heures et la 4e infusion c'était du pur délice!


Des réactions...?


 
 
commentaires: 15 Enregistrer un commentaire

donc richter joue le concerto en ut à 2 pianos

hum intéressant de savoir qu'il avait 4 mains

bon j'veux pas jouer au baroqueux mais cela m'étonnerais que bach nomma ses concerti des concerti pour piano

& puis attention je suis né le même jour & le même mois que js bach - hahaha -

perso je suis carrément pas pour l'eau brita c'est d'1 fade assuré

il fût 1 temps je filtrais brita & je rajoutais du charbon actif de bambou que j'achetais chez taketora

http://www.taketora.co.jp/

c'était vraiment 1 autre monde

c'est vrai que certaines eaux du robinet sont catastrophiques - ! - où je vis j'ai la chance d'avoir 1 eau très bonne

à savoir que la manière & le temps d'ébullition est - hyper - important rapport à l'eau

toutefois si l'eau n'est pas trop chargée en chlorine il suffit de faire bouillir quelques 2 à 3 minutes le tout avec la bouilloire ouverte ou sans son couvercle

autrement l'eau du robinet 1 fois reposée toute la nuit, dans 1 récipient comme 1 jarre en glaise cuite au-delà ou bien à 1300°C, aura retrouvé 1 nouvelle vie

d'ailleurs c'est ce qui se dit au japon - qu'il faut laisser reposer l'eau 1 certain temps avant de l'utiliser pour le thé

Ok, ok... les autres deux mains étaient celles d'Anatoly Vedernikov (non moins douées que celles de Richter) et bien entendu, c'était à l'origine des concerti pour clavecin... Mais bon, dans l'enregistrement que j'ai les clavecins ont été remplacés par des pianos. Pas la même chose certes, mais toujours aussi beau... non?

Tiens, tes considérations sur l'eau m'interpellent.

Qu'est-ce qui te fait dire que l'eau filtrée à la Brita est fade?

Moi, j'ai l'impression qu'elle est plutôt "neutre" et légère. Ces derniers temps j'ai eu l'impression d'une saveur un rien sucrée qui de toute façon n'est pas aussi marquée que celle d'une Spa, par exemple.

Tu la trouves fade en ayant en perspective tous types/grades de thés confondus?

En Belgique nous avons une eau de source de base (la Cristalline) dont je me suis servi à une époque, mais qui pour le coup était vraiment pas l'idéal. Base pas terrible (lourde) pour les thés un peu plus fins (en particulier type ryokucha, aiguilles d'argent,...).

Intéressant ce que tu dis sur l'avantage de faire bouillir l'eau du robinet. De même pour le temps de repos dans une jarre comme celle que tu décris.
Mais alors qu'est-ce qui se passe au juste? Comment ça se fait que ces deux procédés améliorent la qualité de l'eau...?

Eh ben, je suis tentée de mettre ça en pratique pour me faire mon propre avis. L'eau du robinet à Bruxelles est ultra lourde (très, très calcaire) mais bon... voyons voir.

Si tu auras la patience de me donner plus de détails à ce sujet, je suis preneuse.

en fait je suis pianiste de métier plutôt pianiste-accompagnateur au conservatoire de ma ville

concernant l'eau & tes questions ce serait bien + simple que nous en parlions par e-mail

Salut Marisa,

Chouette que tu te sois lancée dans un blog! Bravo

A propos de mon article sur l'amertume, mon intention n'était nulllement de faire l'éloge du masochisme ou du stoïcisme... si tu te sens "punie" en buvant du thé, c'est probablement que ce thé à un problème...

Je pense que je connais ce thé dont tu parles, ça vient de chez NC ?. Il ne m'a guère enchanté (si c'est celui-là), c'est à mon avis l'exemple type des thés commerciaux actuels: trop peu d'oxydation, le thé est trop cru, trop vert... on recherche un max de parfums au nez et dans la tasse à sentir mais au niveau de la bouche, c'est vraiment Bof, très amer, sensation de sec, acidité trop marquée.... en plus je trouve ce genre de Wulong assez indigeste pour moi... Un bon ATGY a une saveur de fond sucrée, comme un miel très doux.

Assez étonnant que les aspects dérangeants de la première infusion disparaissent avec les paramètres du second GFC...? En général, ça ne sert à rien de trop pousser les ATGY, 45" à 1'20" sont des temps qui conviennent bien pour commencer... Puis, la dose, 10 gr c'est un peu beaucoup, ça ne laisse plus beaucoup de place pour l'eau

Chouette !

Un nouveau blog, qui a l'air prometteur en plus !


Je croyais avoir lu que Bach employait souvent le terme "klavier", qui est même un peu plus général que clavecin, non ?

Salut Thomas,

Merci de ton encouragement. Tout à fait, c'est bien le thé auquel tu penses. Disons qu'avant de mettre en question ce thé, j'ai remis en question la préparation, tu vois? Mais bon il est vrai que l'amertume fulgurante dont je parle dans l'article tenait pas mal du stoïcisme.

Les 10 g c'était pour rester dans la proportion thé/eau préconisée par le marchand: soit, 7g / 10 cl. Toi, tu en as préparé combien pour quel volume d'eau?

Comme il m'en reste encore un peu, je referais bien une ou deux nouvelles tentatives, juste pour voir si ça reste pareil. Ceci dit, as-tu des suggestions pour un bon ATGY? M3T ou bien ça peut se trouver sur Bruxelles?

Oui... la 2e dégustation était bien plus harmonieuse. Je ne saurais pas te dire pourquoi, en revanche. Le seul paramètre différent était de "suivre la goutte" pour vider la théière. C'est donc le retrait de la goutte qui a dicté les durées d'infusion.

Merci de ton enthousiasme, Denis!
(j'ai vu ton prénom sur le blog de Philippe...)
Clavier ou clavecin... Là tu me poses une colle! A vérifier.

J'ai le souvenir un peu ancien d'un cours de formation musicale (fait par un pianiste passionné de Bach) où il nous avait expliqué les différents claviers qui existaient à l'époque, et que surtout selon lui on n'affectait pas tant qu'aujourd'hui des oeuvres à des instruments.

Mais il se peut que ma mémoire de ce cours assez ancien soit (très) altérée.

A l'instar de nos "grands" partis politiques français, qui se réunissent en Université d'Eté pendant les grandes vacances, ne pourrions nous pas former une "Université des Thés" avec , bien sûr, comme vous le partagez toutes et tous, des travaux pratiques sur la découverte des thés?? Peut être est ce une idée farfelue qui ne rejoint pas le concept de Marisa ?

Jeanne H

En effet on disait bien 'klavier', mais ça ne concernait pas le pianoforte & non + le forte-piano, encore moins le piano tel qu'on le connaît de nos jours.

Le terme 'klavier' désignait simplement les instruments à clavier, mais le pianoforte & le forte-piano n'étaient pas encore au point comme l'ont été le clavicorde, le clavecin &/ou l'orgue à cette époque.

& puis je crois avoir lu que Bach avait regardé d'1 mauvais oeil l'invention de Cristofori.

Comment j'ai préparé ce thé?

j'ai gouté ce thé au moment où ils ont ouvert leur boutique, environ 2 ans, ce n'est donc pas certain que l'actuel soit similaire à celui que j'ai gouté. Je l'avais préparé selon leurs préscrition, au moins pour voir, en mettant 7 gr dans un zhong, et en faisant très court... c'était pas une réussite! Je n'ai jamais réussi à apprécier ce thé, on dirait trop de "l'eau de toilette", trop parfumé pour moi!

Des suggestions pour un bon ATGY?
M3T certainement, mais ils ne séléctionnent que les meilleurs qualité, ils sont donc tous très chers, 3-4 fois le prix de celui dont tu parles. Une nouvelle référence abordable, ATGY8 a fait son apparition dernièrement, j'en avais parlé sur mon blog...
Ceux de thé de chine sont intéressant.
Sinon, sur Bruxelles, je n'achète plus beaucoup de thé depuis pas mal de temps, donc je sais pas trop...

Rouge, le magasin chinois de vaiselle à coté de l'Archiduc, vend du TGY, il le ramène de chine pour sa conso personnelle, et en vend par 50 gr à ses clients... ça casse rien, mais ça vaut la peine de le gouter, je l'aime surtout bien fait en grande théière, qualques perles pendant 6-7 min...

fortunato,

sait-on pourquoi Bach voyait cette invention d'un mauvais oeil ?

De fil en aiguille, je suis tombée sur des articles extrêmemment édifiants sur Wikipédia.

On les retrouve tout de suite en tappant sur Google:

clavecin wiki

clavicorde wiki

piano-forte wiki

piano wiki


Et puis cet autre article dont l'introduction complète les précédents:

bach clavecin wiki


Vous me direz si je simplifie ou si je me trompe carrément, mais finalement, la décision d'adapter ou pas une oeuvre (celle de Bach tant qu'on y est) à un instrument serait dictée 1° par les possibilités tecnhiques et 2° par les possibilités expressives de cet instrument. Après, bien sûr, la qualité d'exécution, d'interprétation, de direction font le reste: je veux dire, l'oeuvre peut être portée très haut ou alors au contraire, ruinée...


Tiens, j'ai trouvé ça aussi.
Je vous le cite depuis wikipédia:

"La conception du premier piano-forte est due au facteur de clavecins travaillant à Florence, Bartolomeo Cristofori. Celui-ci cherchait à doter le clavecin de possibilités expressives plus nuancées, en permettant à l'instrumentiste de varier l'intensité des sons selon la force exercée sur les touches. Le clavicorde le permettait déjà, mais émettait un son trop faible par rapport au clavecin. Cristofori dut donc inventer un mécanisme de frappe des cordes qui permit une émission sonore beaucoup plus puissante que celle du clavicorde."

Trop puissante d'après Bach? C'est pour ça qu'il n'était pas enthousiaste à l'égard du piano-forte...?

Merci de tes précisions sur les Tie Guan Yin, Thomas. En effet, l'espace de deux ans, il y a des chances pour que l'on n'ait pas dégusté exactement le même TGY. Je viens d'en boire une tasse généreuse. Cette fois je l'ai préparé dans une théière en porcelaine (40 cl).

Comme tu suggérais pour l'autre TGY de Rouge, j'ai infusé quelques feuilles de mon TGY-B pendant 7 minutes, sans renouveler l'infusion.

Le résultat n'était pas mal, mais rien d'extraordinaire non plus. J'ai obtenu une saveur légèrement sucrée sans aspérité, au bouquet végétal et floral, plutôt court en bouche et brouillon. L'infusion en Gong Fu Cha était plus intéressante tout de même.

Jeanne, personnellement, je trouve l'idée d'un espace de discussion sur le thé et tout ce qui lui est lié plus ou moins directement bien plus sympathique que celle d'un cadre institutionnel/formel. Les blogs sont des interfaces extraordinaires, je trouve! Quoi de plus simple et de plus démocratique...?

 
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